1927-2017
Le Mémorial de la Shoah propose ici des ressources pour approfondir vos connaissances et réflexions sur le sujet de l’exposition itinérante « Simone Veil, un destin. 1927-2017 »
3 questions à Dominique Missika, historienne et commissaire de l'exposition
Pourquoi Simone Veil demeure-t-elle l’une des personnalités préférées des Français, même après son décès ?
Par son parcours exceptionnel, Simone Veil incarne le combat des femmes. Elle est aussi un bloc de convictions et d’intégrité qui a surgi dans la vie politique et ne cesse d’ouvrir la voie aux femmes. Lors de son élection à l’Académie française en 2010, Jean d’Ormesson avait su fort bien l’expliquer : « La clé de votre popularité, il faut peut-être la chercher, en fin de compte, dans votre capacité à emporter l’adhésion des Français. Cette adhésion ne repose pas sur je ne sais quel consensus médiocre et boiteux entre les innombrables opinions qui ne cessent de diviser notre vieux pays. Elle repose sur des principes que vous affirmez, envers et contre tous, sans jamais hausser le ton, et qui finissent par convaincre. Disons-le sans affectation : au cœur de la vie politique, vous offrez une image républicaine et morale »
En quoi ce qu’elle a vécu pendant la Shoah a-t-il été déterminant dans ses choix de vie et de combats ?
Il est sûr que sa déportation a détruit une partie d’elle-même. Et cette destruction, fondamentale, a conditionné ce que sera sa vie. Le fait que les nazis n’aient jamais réussi à briser l’humanité des déportés l’a marquée. Comme les autres survivants des camps, Simone Veil a tiré de cette expérience une leçon philosophique : l’idée qu’il faut refuser toute dégradation de la vie, toute humiliation de l’homme. Elle a décidé de lutter contre toutes les humiliations, des femmes, des pauvres, des persécutés. Son combat ne se réduit pas aux droits des femmes, il a une portée universelle.
Vous qui l’avez connue, reste-t-il une question que vous auriez voulue lui poser et pourquoi ?
Chaque fois que je passais un moment avec elle, j’étais frappée par son désir d’être écoutée plutôt qu’interrogée. J’aurais aimé lui demander quels étaient ses cauchemars. On sait que la libération des camps ne doit pas être confondue avec la fin du cauchemar des déportés. Le retour avait été rude. Elle avait voulu parler, on ne l’avait pas écoutée. Quelles images lui revenaient dans son sommeil ? Quels visages ? Comment luttait-elle contre ses cauchemars ?
Lexique
La famille Jacob, patriote, laïque et républicaine, s’inscrit dans cette histoire millénaire des Juifs en France, fière du pays qui leur a donné la citoyenneté française en 1791, ébranlée par l’affaire Dreyfus, prompte à s’engager en 1914 pour défendre leur patrie.
Arrivée en France au XVIIIe siècle, la branche paternelle s’établit en Lorraine dans le village de Bionville-sur-Nied, proche de Metz. Peu avant la guerre de 1870, c’est à Paris qu’ils s’installent. Le grand-père de Simone est comptable à la Compagnie parisienne du gaz et ses enfants seront architecte (pour le père de Simone) et ingénieur. La branche maternelle est originaire de Rhénanie, en Allemagne, et est arrivée en France à la fin du XIXe siècle.
Denise Jacob
Denise rejoint Lyon en septembre 1943 pour s’engager dans la Résistance. Elle intègre le mouvement Franc-Tireur. Devenue agent de liaison de l’Armée secrète, sous le pseudonyme d’Annie ou de « Miarka » (son surnom de scoute), elle est affectée à Annecy. Elle se porte volontaire pour récupérer, en Saône-et-Loire, deux postes émetteurs pour les acheminer vers le maquis des Glières. Arrêtée le 18 juin 1944 à un barrage avec son matériel, elle est remise à la Gestapo de Lyon. Durant son interrogatoire, elle sera soumise à la torture, notamment au « supplice de la baignoire ». Internée à la prison de Montluc à Lyon, puis au fort de Romainville (près de Paris), elle est déportée vers Ravensbrück le 26 juillet 1944.
Elle y est détenue jusqu’au 2 mars 1945, date à laquelle elle est transférée à Mauthausen avec 2 000 femmes destinées à être exterminées, dans un convoi de déportées NN. Le 21 avril 1945, une délégation de la Croix-Rouge internationale arrive au camp de Mauthausen et libère les prisonnières.
Camp de Bobrek
Ce sous-camp du complexe d’Auschwitz est situé à environ 4 km du camp principal, dans une ancienne usine d’engrais. À l’automne 1943, l’entreprise Siemens décide d’y établir une usine de production de pièces pour moteurs. Le site est aménagé par un groupe de prisonniers de Birkenau qui fait le trajet tous les jours entre janvier et avril 1944. À partir de cette date, ils vivent en permanence à Bobrek.
À la fin de 1944, le sous-camp était composé d’environ 220 prisonniers (hommes), pour la plupart des Juifs polonais ou hongrois, ainsi qu’une douzaine de Polonais non juifs et une quarantaine de femmes, affectées notamment à des travaux auxiliaires (par exemple du terrassement) et à la culture de légumes dans le jardin de l’usine.
Antoine Veil
Antoine Veil est né le 28 août 1926 à Blâmont (Meurthe-et-Moselle) où sa famille possède une usine de textile. Durant l’Occupation, les Veil cherchent refuge à Grenoble avant de passer en Suisse. À la Libération, il rejoint l’armée puis, démobilisé, s’inscrit à l’automne 1945 à Sciences Po, où il rencontre Simone Jacob. En 1953, il entre à l’ENA (École nationale d’administration) et mène ensuite une brillante carrière comme haut fonctionnaire, homme politique et dirigeant de nombreuses entreprises. Il est décédé dans la nuit du 12 au 13 avril 2013.
Académie française
L’Académie française, fondée en 1634 par le cardinal de Richelieu, a pour fonction de normaliser et de perfectionner la langue française. Elle rédige un Dictionnaire de l’Académie française, dont la première édition a été publiée en 1694 et dont la neuvième est en cours d’élaboration. Elle se compose de quarante membres élus par leurs pairs appelés Immortels.
Elle rassemble des personnalités qui ont mis à l’honneur la langue française, poètes, romanciers, dramaturges, critiques littéraires, philosophes, historiens, scientifiques, et, par tradition, des militaires de haut rang, des hommes d’État et des dignitaires religieux.
Bibliographie
LIVRES
- COLLECTIF, Texte complet des débats sur la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, publié au Journal officiel, Assemblée nationale, 1974
- COLLECTIF, Trente-six personnalités témoignent de sa pensée, Simone Veil, un héritage humaniste, Lexis Nexis, 2018
- COLLECTIF (Préface de COJEAN Annick), Simone Veil et les siens, Grasset, 2018
- BRIAND Sarah, Simone, éternelle rebelle, Fayard, 2015
- CAUL-FUTY Lola, Simone Veil – L’interruption volontaire de grossesse : débats historiques de l’Assemblée nationale (1974), 4 CD audio, Frémeaux et Associés, 2011
- CLERC Christine, Les conquérantes : douze femmes à l’assaut du pouvoir, Le Nil, 2013
- COJEAN Annick & VEIL Simone, Les hommes aussi s’en souviennent : une loi pour l’Histoire, Livre de Poche, 2017
- COLIN Fabrice, Rester debout, Albin Michel, 2018
- DEL BOCA Dominique, L’histoire et le destin de Simone Jacob Veil, 1927-1946, Editions RDBF, 2012
- DESLANDES Amandine, Simone Veil, mille vies, un destin, City, 2021
- D’ORMESSON Jean, Discours pour la réception de Simone Veil à l’Académie française, Robert Laffont, 2011
- GENESTAR Alain, Pour mémoire, Grasset, 2018
- MISSIKA Dominique, Les inséparables : Simone Veil et ses sœurs, Seuil, 2018
- PFAADT Laurent, Simone Veil, une passion française, City Editions, 2011
- SARAZIN Michel, Une femme Simone Veil, Robert Laffont, 1987
- SAUVARD Jocelyne, Simone Veil, la force de la conviction, L’Archipel, 2012
- SZAFRAN Maurice, Simone Veil : Destin, J’ai Lu coll. « Littérature Générale », 1996
- VASSEUR Nadine, Simone Veil : Vie publique, archives privées, Tohu-Bohu, 2019
- VEIL Simone, Une vie, Stock, 2007
- VEIL Simone, Discours 2002-2007, Edition Le Manuscrit, 2007
- VEIL Simone, Mes combats, Bayard Culture, 2016
- VEIL Simone & TEBOUL David, L’aube à Birkenau, Les Arènes, 2019
LIVRES AUDIO
- VEIL Simone & FOUQUE Antoinette, Vivre l’histoire : entretiens, Éditions des femmes, 1985
- VEIL Simone et BAYLE Marie-Dominique, Une vie : texte intégral, Audiolib, 2008
BANDE DESSINEE
- BRESSON Pascal & DUPHOT Hervé, Simone Veil – L’immortelle, Marabulles, 2018
- COJEAN Annick, BETAUCOURT Xavier, OBURIE Etienne, Simone Veil ou la force d’une femme, Steinkis, 2020
- SLIMANI Leïla, LEMAITRE Pascal, Simone Veil, mon héroïne, Éditions de L’aube, 2017
ALBUM JEUNESSE
- Marion BESNARD & ELICE , Simone Veil, Les P’tits Berets, 2019
- Fabrice COLIN, Rester debout, la jeunesse de Simone Veil, Albin Michel Jeunesse, 2018
- Isabelle MOTROT, Magali ATTIOGBE, Simone Veil, Gallimard jeunesse, 2020
- Maria POBLETE, Simone Veil : non aux avortements clandestins ! (ne), Actes Sud Junior, 2014
DVD
- Jean-Marc GOSSE, Simone Veil, destin courage, Rimini Editions, 2017